Lisa Gansky : le monde devient "meshy"

Lisa Gansky, auteur de « The Mesh – Why the future of Business is Sharing » nous a rendu une agréable visite le 3 octobre dernier à La Cantine à Paris pour un évènement Master Class. Nous en avons profité, avec mon ami Eric Baille de la société de communication audiovisuelle Adesias Production, pour réaliser une petite interview d’elle. Traduit dans plus de 15 langues, The Mesh explore les récents développements de l’économie du partage et les nouveaux business models de la fonctionnalité. Voici cette interview retranscrite ainsi qu’une vidéo de cinq minutes de Lisa à la fin.

Lisa, qu’est-ce que « The Mesh » (le maillage) ?

The Mesh représente un changement fondamental dans notre relation aux personnes, aux objets, aux services et impacte presque tous les éléments de notre vie professionnelle et personnelle. En résumé, il s’agit de passer d’un monde où nous possédions tout ce que nous utilisions à un monde où l’accès s’impose sur la propriété.

Existe-t-il des spécificités géographiques du phénomène collaboratif ? Ou est-ce partout les mêmes biens ou services qui se partagent ?

C’est un phénomène global. On recense aujourd’hui 90 pays qui participent activement à ce mouvement dans les vingt-cinq catégories identifiées par The Mesh, catégories qui vont de l’immobilier, en passant par l’automobile, la nourriture ou les biens culturels. Mais chaque région adapte bien-sûr son offre en fonction des attentes des clients. Des spécificités existent. On recense par exemple plus de 25 entreprises qui expérimentent le covoiturage en adaptant l’offre à leur territoire à travers le monde. Je suis sûre qu’à l’instar du « bike sharing » qui est aussi transverse, toutes les initiatives qui collent aux aspirations profondes des consommateurs connaitront un succès rapide. De plus, ces entreprises innovantes apprennent les unes des autres et c’est une immense opportunité. Nous avons tout à apprendre et tout à gagner de ces expériences communes. En ce sens, nous sommes tous gagnants.

Concernant la collaboration justement, dans quelle mesure cette collaboration entre les services fait-elle effectivement du sens ?

La collaboration est un aspect fondamental : qu’on le veuille ou non, nous sommes tous connectés les uns aux autres. Les plateformes de partage envahissent progressivement nos vies pour nous dire : « il y a de la valeur dans ce que vous possédez, il y a de la valeur dans ce que vous connaissez, elles nous poussent à nous ouvrir aux autres. » Jusqu’à maintenant, le monde était très fermé : les entreprises possédaient des usines, des salariés, retenaient à tout prix l’information.

Ces plateformes nouvelles sont en train de rendre le monde plus ouvert et la collaboration est au cœur de leur fonctionnement, de même que la culture de la générosité, de la confiance, de la vérité, de la transparence. Cette collaboration peut être intentionnelle ou accidentelle. De nombreux services de partage se copient partout dans le monde et apprennent de leurs échecs et de leurs succès tous les jours.

Faut-il légiférer et encadrer ce modèle ? Notamment fiscalement ?

Personnellement, je ne crois pas que les gouvernements doivent contrôler le modèle collaboratif. C’est beaucoup trop tôt ! Nous sommes au tout début d’un changement majeur concernant ce business et cette économie. Le contrôle de l’Etat rendrait les innovations plus frileuses. En revanche, je suis pour que l’Etat soutienne ces expériences grâce notamment à la promotion de l’innovation pour faire germer de nouveaux modèles économiques participatifs. C’est le marché qui choisira quel type de partage ou de covoiturage sera le mieux adapté à son écosystème économique et sociétal.

Le « Maillage » que je décris dans mon livre génère un tel trafic de données qu’il s’auto-enrichit. Spotify, Zopa, KisskissBankBank, Buzzcar, Deways, Velib se sont tous construits sur ce maillage d’opportunités. Aujourd’hui, les Etats peuvent nous aider à lancer de nouveaux projets pour toucher de nouvelles catégories de clients. Les entrepreneurs, les institutions, les habitants ou encore les touristes apprendront rapidement à évoluer dans un environnement autonome et responsable.

Quels sont les trois secteurs d’activité qui vont le plus émerger dans les prochains mois, années ?

Il y en a trois : La mobilité d’abord. En 2050, 75% d’entre nous vivrons en milieu urbain. Limiter ou encadrer les déplacements est impensable. Le mouvement doit être repensé entièrement et c’est un challenge porteur.

Les compétences ensuite. Aucune entreprise, aucune ville ne parvient à retenir ses meilleurs éléments sans un cadre de vie serein. De nouvelles façons de travailler et de nouveaux espaces de travail s’inventent chaque jour de Curitiba à Dar Es Salam en passant par Paris.

Enfin, la troisième voie de développement majeure concerne l’immobilier. Il ya tant de gaspillage en la matière ! Des plateformes comme One Fine Stay, Loosecubes, VRBO ou Airbnb permettent la valorisation des locaux souvent inoccupés et donc sous valorisés. Qu’il s’agisse des écoles, des églises, des parkings, des terrasses. Enfin, le maillage ne s’étend que grâce à des individus mobiles, connectés, volontaires et qui n’ont pas peur de se lancer tout de suite !

Comment va évoluer le monde du partage d’ici 5 ans ?

Nous allons découvrir une liberté nouvelle en comprenant que nous n’avons pas besoin de posséder autant de choses, de nous retrouver piégés par autant de bien matériels que nous n’utilisons pas, d’avoir à gérer l’entretien d’objets que nous ne savons plus réparer. La vie sera beaucoup plus remplie, plus joyeuse, avec plus d’interactions au sein de nos diverses communautés, bien plus Meshy ! D’un point de vue entrepreneurial, nous allons découvrir qu’il y a beaucoup de valeur dans des micro-moments de la vie quotidienne, des écosystèmes nouveaux vont se créer autour de ces nouveaux services de partage entre particuliers.

https://www.youtube.com/watch?v=nXGN5asdgtQ

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