Un an de couchsurfing à Malaga

Pendant un an, Delphine et Vincent ont reçu des couchsurfers chez eux, et en ont profité pour faire un documentaire collaboratif dont ils ont dévoilé les coulisses à Rachel Arnould.

Se loger chez l’habitant est une activité en vogue. Pratiqué aujourd’hui par plus de 2 millions d’européens, le couchsurfing permet de mettre gratuitement en relation des voyageurs à la recherche d’un toit et des hôtes locaux, occasionnant ainsi de riches rencontres inter-culturelles et inter-générationnelles.

C’est l’expérience qu’ont vécu Delphine Vander Vennet et Vincent Steffler pendant un an, dans la ville de Malaga. Et ils en ont profité pour réaliser un documentaire sur le sujet.

Genèse du projet

C’est à la suite du décrochage d’un nouvel emploi pour Delphine que le jeune couple belge prend la décision d’emménager à Malaga, dans le sud de l’Espagne. Dès leur arrivée, une décision s’impose pour ces deux adeptes du couchsurfing : choisir un appartement avec une chambre supplémentaire afin de pouvoir accueillir chez eux.

Avec plus d’une dizaine de demandes par semaine, leur chambre remporte un franc succès. Pour Vincent, animateur en audiovisuel dans le domaine de l’éducation aux médias, c’est une évidence : les photographies ne pourront jamais être très fidèles à l’expérience qu’ils sont en train de vivre. Il leur paraît donc nécessaire de pouvoir retranscrire autrement ces souvenirs, pour eux mêmes, mais aussi pour tout ces inconnus qui ont partagé leur quotidien l’espace de quelques instants. L’idée du documentaire était née.

Autre particularité du film : il a été réalisé collaborativement avec les utilisateurs du célèbre site internet. Cette démarche s’est révélée naturelle : faire un documentaire sur le couchsurfing sans en respecter son principe fondateur - la participation de tous - aurait été absurde. C’est ainsi que les participants au documentaire ont pu proposer des choix de cadrage, des musiques ou des mises en scène qui les caractérisent.

« Laisser le sujet filmer sa propre vision des choses »

Delphine et Vincent mettent gratuitement à disposition depuis le mois de septembre une chambre pour tous les voyageurs qui sont de passage ou en vacances à Malaga. Lorsque ces personnes arrivent chez eux, le couple leur propose de prendre une caméra en main et de partir filmer une activité qui les caractérise et/ou de se mettre en scène à Malaga. Jusqu’ici, aucune équipe technique n’intervient, peu de réglages, juste de l’action.

Nous avons voulu privilégier avant tout le fond du projet tout en optant pour une approche originale qui n’est pas commode : laisser le sujet filmer sa propre vision des choses.

Cette démarche soulève souvent certaines réticences et questions quant au travail réellement réalisé. Les participants sont-ils vraiment seuls avec la caméra? Participent-ils réellement gratuitement? Oui, nous assure Delphine:

C’est notre optimisme et notre confiance envers ces personnes qui guident ce projet et nous permettent de vivre toutes ces belles rencontres. Car en contrepartie, les personnes qui acceptent de se filmer nous livrent aussi une part de leur intimité , plus ou moins grande selon les participants

Mais la participation des couchsurfers ne s’arrête pas là. Les deux réalisateurs en herbe reprennent ensuite la caméra afin d’interviewer les participants sur leurs intentions et leurs expériences en tant que couchsurfer. Encore une fois, pas de scénario défini, même si les interviews des uns impactent celles des autres, ce qui permet de former un tout assez cohérent.

Comment le projet a-t-il été financé ?

« Autant être collaboratif jusqu’au bout! » Telle est l’exclamation de Vincent et Delphine lorsque la question est posée. C’est en effet via la plateforme de financement participatif Kisskissbankbank, que ce projet a été financé.

Via cette collecte de fonds, le souhait était de toucher des personnes extérieures au réseau naturel des amis et de la famille. Ce souhait n’a malheureusement pas pu être exaucé. La démarche leur a cependant permis de formaliser et structurer un projet qui ne l’était pas au départ.

Post tournage: après le réconfort... l’effort

Cet exercice simple en apparence peut s’avérer très ardu en réalité. Les participants ne savent pas forcément filmer, s’expriment dans un anglais approximatif et ne sont pas toujours naturels devant la caméra. Le résultat vidéo peut alors ne pas refléter les différentes personalités, telles que réellement perçues par nos deux réalisateurs. Ce qui implique beaucoup de travail à venir :

Afin d’harmoniser la qualité des extraits tournés par les participants, tous amateurs, certains n’ayant jamais pris en main une caméra ou n’ayant jamais été filmés, le travail de post production (notamment au niveau du son et de l’étalonnage de l’image) nous assure déjà de longues heures de labeur ainsi que le recours ponctuel à des professionnels.

La dernière semaine de tournage (prévue pour juin 2012) sera consacrée à un mini bilan. En plus de chacune de ces interviews, Vincent et Delphine ont rassemblé un certain nombre d’anecdotes sur chacun de leurs visiteurs, ce qui leur permettra de créer une voix off, fil rouge du documentaire. Le tournage prendra alors fin, et Delphine et Vincent quitteront Malaga.

La suite pour eux? Le but de ce documentaire n’est pas lucratif, précisent-ils. Et d’ailleurs, aucun contact n’a encore été réalisé avec les responsables du site CouchSurfing. A terme, leur souhait est principalement de projeter le film dans des festivals et divers centres culturels ainsi que de témoigner sur leur expérience.

Dans un monde où l’individualisme domine, et où beaucoup de nos rapports sociaux sont monnayés, il peut être enrichissant d’échanger sur une expérience collaborative gratuite basée sur le respect et l’échange.

Après avoir visionné la bande annonce du film, il ne nous reste donc plus qu’à patienter jusqu’à la sortie du documentaire ! Vous pouvez également suivre l’évolution du projet sur Facebook.