Marion Carrette : "l'industrie traditionnelle ne réalise pas le raz-de-marée à venir"

Marion Carrette, fondatrice de Zilok, dont la filiale Zilok Auto vient de lever 1,5 millions d'euros, répond aux questions de Antonin Léonard sur l'histoire et les perspectives du marché de la location de voitures entre particuliers.Antonin Léonard: En tant que pionnier de la consommation collaborative, comment analyses-tu la percée de certains acteurs sur des verticales de la location entre particuliers, notamment la voiture et la location de vacances ?

Marion Carrette : Je ne mets pas la location de voiture dans le même panier que la location de vacances entre particuliers. En effet, dans ce second cas il s'agit d'un usage qui existait depuis longtemps, au travers des sites de petites annonces notamment. Les gens étaient déjà habitués à se louer une maison de vacances ou une résidence secondaire. L’usage était là, il restait à l’organiser, le moderniser et le mondialiser. Non seulement AirBnb l'a très bien fait, mais en plus ils ont réussi à convaincre des personnes de louer leur propre lieu de vie. Mais il est finalement assez logique que ce secteur ait émergé aussi vite.

Pour la voiture c’est différent, la location de voitures existait, mais pas entre particuliers.

En 2007, nous avons parié que les gens se feraient suffisamment confiance pour se louer des objets entre particuliers et notamment des voitures ! Cinq ans plus tard, nous savons que la location de voitures en France représente un marché de 2,5 milliards d’euros, 31 millions de véhicules, et qu’une voiture dort 95% de son temps et coûte 6000€ par an. Avec le recul, ça parait aujourd'hui assez facile comme pari... [caption id="attachment_3483" align="alignleft" width="250"]

Marion Carrette, Co-fondatrice de Zilok[/caption] D'où le lancement de Zilok Auto et Zivac ? Effectivement, depuis 2007 Zilok permet de louer des voitures entre particuliers. En 2009, nous avons été les premiers à proposer un produit d’assurance Auto permettant le véritable développement du service. Mais Zilok restait perçu comme une plateforme généraliste. Ceci s'est accru avec l’apparition en 2010/2011 de nouveaux acteurs sur ce créneau. Plus personne ne nous assimilait à la voiture. Il fallait donc montrer que nous étions toujours le premier site Auto, et que nous disposons la plus grosse base de voitures à louer en France. Nous avons donc décidé en début d’année d’isoler la voiture au sein de zilokauto.com, notre site dédié à la location de voitures entre particuliers. Nous avons ainsi pu affiner le service et clarifier le message. Pour Zivac [le site de zilok dédié aux locations de vacances], la logique a été un peu la même : difficile de développer la location de vacances à côté des perceuses et des karchers ! D’où un site dédié. Mais notre positionnement est différent de celui d’AirBnb puisque nous nous concentrons sur le marché français. De plus, alors que AirBnb se positionne principalement sur les locations urbaines, nous avons davantage d'offres dans toutes les stations balnéaires françaises avec des durées moyennes de location d’environ 10 jours. Comment est organisé Zilok dorénavant ? Quelles synergies y'a-t-il entre les différents services de location entre particuliers que vous proposez ? Zilok, Zilok Auto et Zivac sont 3 sociétés différentes qui partagent des services communs notamment la direction technique (nous sommes à la recherche de développeurs d’ailleurs !) Les logiques restent très proches : dans tous les cas, il s’agit de location, entre particuliers, avec le besoin de se contacter, de gérer un planning, de rassurer les gens, de proposer une assurance… Je crois aussi beaucoup aux synergies entre les trois. Si je pars en vacances, je peux avoir envie de louer à la fois mon logement et la voiture sur place. De la même manière une personne qui loue sa voiture peut louer en complément un siège auto ou un coffre de toit qu’on trouve sur Zilok. Vous venez d'annoncer une nouvelle levée de fonds pour Zilok Auto : Quel est son objectif principal ? D'autres levées sont-elles à attendre pour Zilok ? Le site Zilok.com s’autofinance depuis maintenant 1 an et croit régulièrement. Nous avons 200 000 objets à louer et 300 000 visiteurs tous les mois. Pour Zilok Auto, nous venons effectivement de lever 1,5M€ pour nous permettre de déployer notre service et convaincre un maximum de gens de passer le pas. Nous proposerons 10.000 voitures à louer d’ici fin 2012. Mais notre objectif, c'est de disposer d'une voiture à louer dans chaque rue… Quand je pense qu’il y a 2 millions de rues en France, je crois qu'il nous reste encore un peu de boulot ! Un mot sur vos partenaires sur cette levée : Ecomobilité Ventures et Jaïna Capital ? Jaina et Marc Simoncini nous font confiance depuis le début. Marc croit énormément à la location et il est comme nous persuadé que nous sommes en train d’inventer la consommation de demain. Ecomobilité Ventures est le fonds créé par SNCF, Orange et Total, dédié à la mobilité. À elles trois, ces sociétés doivent facilement toucher 100% de la population française. C’est le gros avantage d’un fonds corporate : ils ne se contentent pas d’apporter des fonds, mais sont de formidables accélérateurs de business. Ça multiplie d’autant la valeur de leur investissement et pour nous, les opportunités ! Trois mois après le début du partenariat : quel premier bilan tires-tu de l'association avec Citroën autour de Multicity ? Le partenariat avec Citroën est une vraie chance pour nous de faire connaître le service auprès de 6 millions de possesseurs de Citroën en France ! Pour Citroën, la location entre particuliers est un moyen de faire découvrir des Citroën, de les faire rouler et de montrer à leurs clients qu’une voiture n’est pas qu’un centre de coûts, qu’elle peut aussi rapporter de l’argent. L’opération Czéro Multicity a notamment été un vrai succès : en moins de 24h les 200 Czéro sont parties, avec des personnes extrêmement motivées par la location et l’envie de devenir des ambassadeurs à la fois de l’électrique et de la location entre particuliers ! Nous préparons beaucoup de nouvelles choses ensemble. Comment vois-tu le secteur de la consommation collaborative se développer dans les prochains moins / prochaines années ? J’ai l’impression que nous sommes au même stade que dans les années 90 où les « mortar » (VPCistes, distributeurs…) se posaient encore la question de savoir s’il fallait aller sur le web. Aujourd’hui, ils voient débarquer une nouvelle forme d’économie, qui les dépasse complètement… Nous sommes en train de démontrer que le secteur est extrêmement dynamique, avec des business models qui marchent, des entrepreneurs passionnés (dans la morosité ambiante, ça fait du bien !) et de vrais beaux projets. Je pense que tout le monde ne réalise pas le raz de marée qui se prépare car ces modèles sont un peu plus lents à se mettre en place (besoin d’une masse critique, d’installer un nouvel usage, de convaincre, de rassurer…) mais une fois installés, ils viennent changer complètement la façon de vivre des gens, sans changer leur besoin initial de consommer : rouler, voyager, manger… L’industrie classique ne le réalise pas. Les pouvoirs publics essaient de freiner l’engouement en réglementant… mais le train est en marche… et c’est un TGV ! Interview publiée initialement sur le blog consocollaborative.com