L'économie collaborative in vivo au Summerlab

Si le dessein de l'économie collaborative est d'englober toutes les étapes allant de la conception jusqu'à la distribution en passant par la production d'un bien ou d'un service, il demeure difficile de se représenter comment tout ceci pourrait se mettre en place concrètement. Le Summerlab, organisé du 23 au 28 juillet à Nantes, en a été une expression à la fois emblématique et novatrice, quoique temporaire. Quelques dizaines de personnes étaient rassemblées pendant une semaine dans un immense atelier de l'Ecole d'architecture de Nantes pour produire ensemble de la connaissance, faire avancer des projets, prototyper des idées. Chacun est venu avec sa petite brique : une proposition d'atelier, des compétences ou des contacts à partager, plein d'idées à mettre en débat.

L'association organisatrice PiNG a tenu à baliser au strict minimum les 5 journées du Summerlab. Côté programme, c'est donc l'auto-gestion qui prévaut : à la manière d'un barcamp, les participants définissent en début de semaine les thématiques qu'ils souhaitent aborder et les productions attendues pour chacun des ateliers. S'en suit, en début de semaine, un joyeux bazar où chacun finit par trouver sa place et surtout de nombreuses occasions d'échanges et de découvertes. Un joyeux mélange aussi, lorsque les membres de OuiShare présents se trouvent à discuter avec les fondateurs de Goteo, que la Veilleuse de Wazemmes se découvre un cousin précurseur, le projet nantais Péconome, tandis que les designers-bricoleurs, venus avec leurs outils et prototypes (celui de l'imprimante 3D pliable Foldarap par exemple) sont sollicités pour des commandes originales. Côté logistique, si on devine une préparation minutieuse, les participants sont également mis à contribution : pour les repas, PiNG a fait appel à la Locomotive, projet d'une jeune association nantaise. En plus d'être un bel objet de design, la Loco a réussi une belle équation : des ingrédients locaux, bio, issus en grande partie d'une AMAP ou de circuits courts + la participation de tous au service et à la plonge = 50 personnes nourries à un prix défiant toute concurrence. Simon, venu de Lille , confirme : "On n'a pas eu l'impression d'avoir affaire à un prestataire extérieur. L'équipe de la Loco était présente toute la journée, nous a expliqué son projet et ses besoins : j'ai pu leur donner un coup de main sur la recherche d'outil de cartographie pour représenter leurs approvisionnements".

Pour travailler ensemble, il faut d'abord se rencontrer

Les participants sont à la fois très proches et très divers : une motivation commune, celle de contribuer au bien commun, mais des "familles" (écologie, économie collaborative, hackers, DIY) qui ne se connaissent pas toujours. Au total, une cinquantaine d'associations, collectifs, réseaux, fablabs ou tiers-lieux sont représentés. Cette diversité et la présence de néophytes est fructueuse. Elle permet par exemple de créer des outils de reproduction des projets, comme le Floss Manual de Goteo, qui a mobilisé une petite équipe d'une dizaine de personnes, qui ont dans la foulée également traduit en français l'interface et le contenu de la plateforme en ligne de Goteo. D'autres productions, comme le guide de l'association Snalis ou la liste de tous les "bidouillages" réalisés pendant la semaine, sont synthétisés et consignés sur un wiki.

Ce que montre l'expérience du Summerlab, c'est que même dans ces réseaux imprégnés de pratiques collaboratives, la co-production avec d'autres disciplines, d'autres secteurs n'est pas naturelle. Ou plutôt que cette co-production nécessite des lieux et des temps de rencontre pour véritablement exister au-delà de la coopération habituelle, qui se fait a minima. "Cela paraît étonnant, mais avant cette semaine, la plupart des personnes de notre groupe (Vélomobile, NDLR), y compris les locaux n'avaient jamais travaillé avec les acteurs régionaux de l'écologie qui ont participé avec nous au Summerlab" explique l'un des participants à l'atelier de prototypage. Il est pourtant crucial que grandes "familles" de l'économie collaborative, de l'écologie, des hackers, du DIY échangent et mutualisent leurs ressources, qui sont souvent complémentaires.

Les espaces de coworking se développent, parfois de manière sectorisée car cela facilite la mutualisation de matériel, l'insertion dans un réseau professionnel, l'échange de pratiques sectorielles. Il pourrait être intéressant de réfléchir dès maintenant à des espaces permanents dédiés à la rencontre, à l'interconnexion de ces coworkings thématiques, fablabs et autres hackerspaces. Une production véritablement collaborative pourrait alors se développer, dans le sens où des personnes d'horizons divers viendraient y travailler ensemble pour faire avancer les projets des uns et des autres et faire ainsi oeuvre commune. Illustrations : PiNG