La Ruche qui dit Oui au collaboratif

Avec un modèle technologiquement innovant et un projet fort et ambitieux pour renouer les liens entre les consommateurs et les producteurs, La Ruche qui dit Oui est devenue une emblème de la consommation collaborative appliquée à la distribution alimentaire. Par Rachel Arnould et Antonin Léonard

La Ruche qui Dit Oui s’est lancée commercialement en septembre 2011 avec une promesse simple : proposer aux consommateurs des produits locaux et de saison, à un prix raisonnable, partout en France.

L’entreprise, fondée par Guilhem Chéron pour le design du système et Marc-David Choukroun dans le rôle de la prouesse technique, est née d’un double constat. D’un côté, l’émergence de nouvelles aspirations alimentaires des français : choix du bio, du local, quête de goût et de qualité, recherche d'un lien direct avec les producteurs ; de l’autre, l’absence d’un outil simple sur Internet permettant aux agriculteurs de vendre leurs produits en direct, en particulier lorsqu'il s'agit de produits frais.

La Ruche qui dit oui! est une entreprise qui, à partir d’un site internet, permet de mettre en relation le plus directement possible le consommateur avec le producteur. L’idée est ici de redonner la main aux consommateurs et de toucher un public plus large que des personnes déjà sensibilisées. - Guilhem Chéron, Co-Fondateur de La Ruche Qui Dit Oui

Les ruches : des “marchés éphémères”

Le fonctionnement commence à être bien connu : le producteur lance ses propositions auprès d’une ruche en proposant de livrer un certain volume de produits. Une fois ce volume atteint, la ruche valide la commande : La Ruche a dit Oui ! et le producteur s’engage à livrer la ruche. http://www.youtube.com/watch?v=sVNSOkiH29o La distribution se fait physiquement dans des « Ruches », marchés éphémères hébergés dans des espaces publics ou privés. En Octobre 2012, soit un an après son lancement commercial, la plateforme en recensait 150 en activité et plus de 350 en préparation : un véritable réseau permettant de mettre en relation 70.000 consommateurs inscrits et plus de 2.000 producteurs. Le service internet permet la gestion complète des ventes, des flux de trésorerie et de la facturation. Localement, chaque Ruche est tenue par un entrepreneur ou une association. Rémunérés par une commission sur les ventes, leur rôle est de créer et animer les communautés d’acheteurs et de vendeurs, animer les ventes et organiser les distributions physiques. [caption id="attachment_5229" align="alignnone" width="640"]

Infographie Le Monde[/caption]

Répartition des revenus : un modèle renversant

Le modèle disruptif de la Ruche qui Dit Oui n’est pas sans impact sur la chaine de production alimentaire. Avec 15,8% de son chiffre d’affaire partagé entre le responsable de la ruche et l’entreprise, tandis que le reste (79%) est reversé aux producteurs, la startup peut se targuer de parvenir à inverser le modèle de la distribution classique. Ce qu’elle ne manque pas de faire sur son blog :

Qu’on se le dise, c’est beaucoup plus que n’importe où ailleurs (dans la grande distribution, ils ne touchent parfois même pas 10% du prix de vente). Cela permet aux petites exploitations d’envisager plus sereinement l’avenir et de ne pas avoir à rogner sur la qualité. Enfin, tomate cerise sur le gâteau, les producteurs sont rémunérés par virement seulement 10 jours après la distribution quand les cantines ou les hypermarchés mettent parfois plus de 4 mois à payer.

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Répartition des revenus chez La Ruche qui dit Oui[/caption]

Une levée de fonds pour butiner plus fort

Avec l’entrée de XAnge et du fonds solidaire SOLID qui investissent conjointement 1,5 million d'euros, La Ruche qui dit Oui ! souhaite poursuivre le développement de sa plateforme, renforcer le maillage territorial, l’animation et l’accompagnement des responsables de Ruches et des producteurs locaux et enfin améliorer la logistique, clé de voûte des circuits courts.

Pour l'entreprise, cette levée de fonds donne du crédit au projet même de l’entreprise : faire se rencontrer les outils web et les circuits courts et inscrire l’ensemble dans une démarche participative. « Ce choc de cultures fonctionne. Les circuits courts s’enrichissent, se structurent et trouvent de nouveaux débouchés grâce à notre outil » explique Guilhem Chéron. « Et dans le même temps, notre plateforme évolue grâce à l’expérience et aux retours des producteurs bien ancrés dans le terrain. Tous ensemble, nous accompagnons l'évolution du monde agricole.»

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Guilhem Chéron, fondateur de La Ruche qui dit Oui! - CC Pierre Metivier[/caption]

Pour le fonds XAnge Private Equity, également actionnaire de KissKissBankBank, startup phare du crowdfunding en France, cet investissement n’est pas hasardeux. XAnge compte en effet renforcer la collaboration entre les deux startups et faire de KissKissBankBank un outil de financement adapté aux producteurs agricoles, intégrant ainsi une dose de collaboration dans toute la chaîne. KissKissBankBank pourrait ainsi devenir la “banque de l’économie collaborative” et permettre aux consommateurs de financer directement les producteurs comme cela se fait déjà parfois...

Rodolphe Menegaux, Directeur de Participations chez XAnge, confirme l'intérêt de son entreprise pour le secteur :

La consommation collaborative fait partie des secteurs d’investissement que nous étudions avec attention, nous ne pouvions donc qu’être séduits par cette nouvelle forme d'accompagnement des circuits courts qui connecte consommateurs et producteurs via le web sur une place de marché qui est sans doute l’un des modèles économiques les plus efficaces sur Internet.

La Ruche qui dit Oui, une entreprise "sociale et solidaire "

En plus d'XAnge, l'entreprise a reçu un investissement de 500 000 euros du fonds solidaire SOLID. « Nous avons été séduits par le caractère hautement solidaire de La Ruche qui dit Oui ! » explique Thomas Delalande, Directeur adjoint du Groupe Siparex* en charge du fonds SOLID. « Agréée « Entreprise sociale et solidaire par l'Etat, elle créée des emplois durables, pour les jeunes agriculteurs qui décident de s'installer, les producteurs qui consolident leurs activités ou les responsables de Ruches qui trouvent dans cette mécanique un revenu complémentaire, et de la solidarité sur le terrain lorsque les Ruches tissent du lien social avec les habitants d'un même quartier. »

Avec tous ces arguments, voilà une ruche bien partie pour essaimer !

Crédit photo : Photo de couverture : La Ruche qui dit Oui! ;

Pierre Metivier